À PROPOS DES DISCOURS DE TLEMCEN ET DALGER DU PRÉSIDENT HOLLANDE (20 décembre 2012) | !3 janvier 2013 | |
Hollande prenant la main de Bouteflika pour descendre avec lui les avenues de Tlemcen le 20 décembre 2012 ne rappelle que de très loin le geste de Mitterrand recueilli aux côtés de Kohl à Verdun dix-huit ans auparavant. Il manque à lépisode algérien la théâtralité quun président normal eût scrupule à désirer. Et les rôles sont inversés. Cest, hors du sol national, Hollande qui représentait lenvahisseur, loccupant, le bourreau dhier. Et lAlgérie nest pas légale de lAllemagne. À défaut de faire lévénement, sagissait-il néanmoins de « faire lhistoire » comme le président en exprime le sentiment devant la jeunesse des universités convoquée pour lécouter ? Il aurait fallu quil sorte du lent chemin que la France suit à légard de son ancienne colonie, abandonnant progressivement les lumières de sa présence outre-mer pour mieux en accepter les ombres. Hollande, léloquence mise à part, ne dit guère plus ni autrement que son prédécesseur Sarkozy en 2007. Des excuses eussent été spectaculaires, mais elles nauraient pas davantage créé la rupture attendue. Rompre impliquait le renoncement au langage mi-figue mi-raisin qui se tient à Alger de peur den dire trop ou pas assez. Rompre, cétait, sans mots comptés ni formules savamment dosées, aller pour une fois au fond des choses. Alors on aurait dit que le système suivi par la France en Algérie nétait pas seulement injuste et brutal, comme Nicolas Sarkozy lavait lui-même reconnu. Il était improbable. Quon le nomme « système colonial » en 2007 ou « colonisation » en 2012, il ne pouvait mener quà une indépendance prévisible, prévue et souhaitable. Et ce nest pas huit ans quil a fallu aux Algériens pour « sarracher » à la France, comme laffirme son représentant, mais cent trente-deux années dune guerre et dune résistance incessantes. Faire lhistoire, ceût été, au-delà de la morale et des mémoires, dénoncer et étudier lerreur de la colonisation qui a si gravement perverti les rapports entre lOccident et lOrient. Et quon ne vienne pas répéter que lentreprise française a manqué aux « valeurs universelles » ! Cest en leur nom que le pays de Condorcet sest installé outre-mer, sous les couleurs dune mission civilisatrice, émancipatrice et éducative, la même après tout quon veut continuer sous dautres formes aujourdhui. Limplicite nostra culpa que le président Hollande a esquissé ne suffira pas à tourner la page où lhistoire désespère de sécrire. Il est tout aussi insuffisant voire vain dinvoquer devant cette page encore blanche le devoir de vérité. De quelle vérité avons-nous besoin ? Sur quoi doivent porter le devoir et leffort annoncés ? Veut-on juger ou comprendre ? Choisir les faits, choisir le champ où lon compte les exhumer en cas doccultation, de falsification ou de perte, cest déjà décider du sens de lhistoire, procéder dune intention. Dans quel sens la France veut-elle sengager vis-à-vis de son passé colonial ? La réponse du chef de lÉtat ne peut que décevoir. Sil écarte avec une conviction plus appuyée que celle de ses prédécesseurs revanche et repentance, cest, explique-t-il, pour ouvrir la voie de la « réconciliation ». Or la guerre est bien finie, mais peut-être pas lerreur qui la provoquée. François Hollande regarde résolument ailleurs, ce quil appelle, lavenir. Il se veut pratique. La réconciliation telle quil la propose est intéressée. Elle est la condition du « projet méditerranéen ». Projet méditerranéen à la mode Hollande, Union méditerranéenne à la mode Sarkozy, comment ne pas faire le rapprochement avec le « Système de la Méditerranée » que les saint-simoniens avaient mis au fondement de lentreprise coloniale après en avoir testé léchec en Égypte, dans une version plus pacifique ? Cétait il y a près de deux siècles. Mais quest-ce que ce délai lorsque lon admet, avec Marie dAgoult, que, si la politique compte par jours, la philosophie compte par siècles. Jean-Louis Marçot
|
|
|
AUTRES CHRONIQUES |