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  • Plus ou moins d'âme

    (Après avoir vu sur Arte La Bataille d'Alger, film où Yves Boisset croise des séquences du film de Pontecorvo, des images d'archives et des interviewes pratiquées sur des acteurs, français et algériens, de l'époque).

     

"Nous posions ces bombes à contrecœur" soupire Habib Reda devant la caméra d'Yves Boisset. Il y a cinquante ans, c'est lui qui orchestrait les attentats dits des lampadaires au cœur d'Alger. Son chef d'alors confirme : "Nous n'avions pas d'autre choix pour nous faire entendre". Yacef Saadi, à 78 ans, a gardé le physique d'un adolescent, les yeux malicieux, les gestes vifs. Évoquant la tuerie du Casino de la Corniche, il se souvient d'avoir pleuré à la vue des corps que sa bombe venait de déchiqueter. Ma fille aurait pu se trouver là… Yacef, tu es un salaud! Se répétait-il.

Mais l'ancien responsable de la ZAA (Zone Autonome d'Alger) de se ressaisir. Qu'importe mon sentiment! tranche-t-il, je ne suis qu'un rouage, un élément d'une situation historique qui me dépasse. À la guerre comme à la guerre ! ici pour la libération nationale, là pour Dieu.

Seul le vainqueur peut s'exonérer de fautes aussi graves que l'assassinat de civils involontairement engagés dans un conflit. Un homme a besoin de conscience; c'est par elle qu'il s'humanise. Lui renoncer sous prétexte qu'on est mû par l'histoire ou la religion, par une nécessité non concertée, signifie un renoncement à l'humanité même.

Mais le FLN, pas plus qu'Al-Quaida, ne se réclame de l'humanisme. Il dira pour sa défense : c'est l'autre qui a commencé. Effectivement, les attentats de l'hiver 1957 à Alger répondaient à un premier attentat "aveugle" et particulièrement meurtrier perpétré à la Casbah, rue de Thèbes, contre des Algériens, femmes, enfants, aussi innocents que les consommateurs du Milk-Bar ou du Casino. Le groupe terroriste qui signe ce crime préfigure l'OAS. D'acte en acte, d'horreur en horreur, nous remonterons ainsi jusqu'au 14 juin 1830, le jour du débarquement français dans la régence d'Alger - encore n'est-ce qu'une halte…

Yacef Saadi ne nie pas la souffrance infligée aux Européens et indirectement, à ses compatriotes. Il met dans l'autre plateau de la balance le résultat : la reconnaissance internationale du FLN, pas décisif vers l'indépendance. Mais quel FLN ? Celui qui assassine Abane Ramdane ? Celui qui, en 1988, fait mitrailler la foule en colère descendue de la Casbah ? Celui qui autorise la torture contre les prisonniers ?

La grandeur du but n'éclipse pas le choix des moyens. En terme d'efficacité, le terrorisme ou le contre-terrorisme ont peut-être leurs vertus. Allaire, Massu, les officiers tortionnaires de la bataille d'Alger avouent aujourd'hui qu'en utilisant ces méthodes, la France et eux-mêmes ont perdu (un peu) de leur âme. J'aurais aimé entendre la même confession dans la bouche de Saadi, Minne ou Bouazza.

 

  • Les naufragés de L’Utile (l'utile et l'humain)

Le 31 juillet 1761, un trois-mâts chargé d’esclaves pris en fraude à Foulpointe, sur la côte orientale de Madagascar, s’échoue sur les sables d'une minuscule île, à 600 kilomètres de son point de départ. Le commandant, le capitaine Jean de la Fargue, au service de la Compagnie française des Indes Orientales, comptait vendre sa cargaison aux planteurs de l’île de France (île Maurice aujourd'hui). On ne sait combien de Malgaches périrent dans le naufrage.

L’île des Sables est un affleurement corallien d’un kilomètre² (la moitié d'Hoedic) isolé en pleine mer ; elle culmine à 6 mètres ; les cyclones et les alizés la battent en permanence. La température s’y maintient entre 29 et 30°. Pas un cocotier, de l’herbe grasse et quelques arbustes. Halte pour les oiseaux migrateurs et nid pour les tortues, elle n’est donc pas tout à fait déserte.

Les Français s’installent à un bout de l’îlot. Ils sont 122, d’origine principalement basque ; un aumônier les accompagne, le père Borée. Les esclaves rescapés, une soixantaine, s’installent à l’autre bout. L’Utile est un fort bâtiment de 800 tonneaux. Ses cales fournissent le nécessaire, le bois pour faire du feu, de la farine pour faire le pain, et divers instruments. En creusant jusqu’à 5 mètres, les insulaires trouvent de l’eau, saumâtre mais consommable. On maçonne un four.

Durant deux mois, l’équipage s’active à construire une embarcation. Puis, au complet, il prend la mer en abandonnant aux Malgaches trois mois de vivres et la promesse de revenir. Leur esquif porte le nom de Providence.

Les marins ne reviendront pas. A l’île de France, le gouverneur ne veut pas entendre parler des esclaves. Ils survivront pourtant, on voudrait savoir comment. Les fouilles entreprises récemment ont mis à jour le reste d’un mur d’habitation, des gamelles retapées et des sépultures sans ossements. Repérés en 1773, les rescapés font l’objet d’une première opération de sauvetage un an après. Mais la Sauterelle ne réussit pas à approcher l’îlot. Un marin tombé à l’eau l’atteint à la nage. Il y construit un radeau et convainc trois hommes et trois femmes de le suivre. Nous sommes sans nouvelles d’eux depuis ce jour. Une autre tentative impliquant dix-huit Malgaches semble n’avoir pas eu plus de chance.

Le 29 novembre 1776 enfin, la corvette La Dauphine commandée par le chevalier de Tromelin, qui donnera son nom à l’île, approche celle-ci et récupère sept femmes et un bébé de huit mois. On sait par lui que les rescapés avaient survécu jusque là habillés de plumes tressées, en mangeant tortues, oiseaux et leurs œufs, coquillages, crabes, patates à Durand… Le feu dans le four avait été nourri sans interruption avec le bois de l’épave dont la provision n’était pas encore épuisée.

Arrivées à l’île de France, les sept esclaves sont recueillies par le gouverneur. Plus généreux que son prédécesseur, il les affranchit et baptise l’enfant Moïse.

 

Qu’est-ce qui, dans cette histoire, me donne le plus à réfléchir, de la capacité à survivre de ces soixante damnés de la Terre ou de la double damnation – l’esclavage et le naufrage – qui les a frappés ?

Source : article "Tromelin" de Wikipedia; Journal du Groupe de Rehcerche en Archéologie Navale, 7 juillet au 10 octobre 2006

 

 

  • Je partirai de la Poste avec 3.000 euros

Jean-Marc Espalioux est parti d’Accor avec 12 millions d’euros, Antoine Zacharias, de Vinci, avec 13 millions, Igor Landau, d’Aventis, avec 10,5 millions,  Alain de Pouzilhac, de Havas, avec 7,8 millions, Philippe Germond, d’Alcatel, avec 3,1 millions … Réponse de Sarkozy interrogé par le Monde du 23 janvier 2007: " les gros salaires ne me choquent pas à condition qu’ils soient associés à un vrai risque ". Veut-il parler des ouvriers de l’amiante ? du nucléaire ? de l’humanitaire ? Veut-il saluer le mérite de la vertu ? Ou veut-il parler des joueurs de poker ?

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