C’est
un
film
(anglo-américain)
qui,
avant
ma
dixième
année,
m’a
profondément
marqué
et
inoculé
un
orientalisme
qui
perdure.
Pour
cette
raison,
j’étais
curieux
autant
qu’inquiet
de
le
revoir.
Je
craignais
la
douche
froide :
une
mauvaise
œuvre,
un
scénario
réac,
des
faux
souvenirs.
Si
l’on
m’avait
demandé
de
raconter
le
film
qu’un
demi-siècle
avait
enfoui
dans
ma
mémoire,
j’aurais
dit
à
peu
près :
il
était
une
fois
un
jeune
voleur
pauvre
et
persécuté
dans
les
bas-fonds
d’une
ville
orientale
nommée
Bagdad.
La
chance
lui
permet
de
découvrir
dans
le
sable
du
désert
voisin,
une
bouteille.
En
la
débouchant,
l’enfant
libère
un
Génie
presque
nu
et
cent
fois
plus
haut,
qui
lui
accorde
trois
vœux.
Grâce
à
quoi,
le
petit
héros
assure
le
triomphe
de
la
justice.
Un
méchant
vizir
s’est
en
effet
emparé
du
pouvoir
en
assassinant
le
sultan,
vieillard
fantasque
et
grand
collectionneur
d’automates.
La
ravissante
femme
mécanique
qu’il
lui
a
offerte
promettait,
avec
ses
six
bras,
une
étreinte
exquise.
Étreinte
mortelle !
Mais
le
voleur,
par
une
cascade
de
péripéties,
parvient
sur
son
tapis
volant
jusqu’à
l’usurpateur,
le
démasque
et
alors
que
celui-ci
tente
de
s’enfuir
sur
son
cheval
magique,
il
le
tue
en
le
touchant
en
plein
front
d’une
flèche
de
son
arbalète
infaillible.
Dans
mon
souvenir,
les
premiers
épisodes
étaient
en
noir
et
blanc,
les
derniers,
en
couleurs.
Dans
la
salle
du
cinéma
de
Bobigny
où
le
film
est
projeté,
samedi
2
avril
à
14
h,
énième
plat
au
menu
d’un
festival
annuel
plantureux,
nous
sommes
trois
adultes
et
une
dizaine
d’enfants.
Les
premières
images
me
laissent
perplexes.
Elles
sont
en
technicolor.
Le
son
est
anglais.
Je
ne
reconnais
pas
Jaffar,
le
méchant,
qui
entre
le
premier
en
scène,
descendu
de
son
vaisseau.
Je
ne
reconnais
pas
le
prince
Ahmad,
le
bon,
qui
entre
en
second
sous
les
traits
d’un
mendiant
aveugle
accompagné
de
son
chien.
Dans
ma
mémoire,
effectivement
les
premiers
plans
montraient
un
port,
mais
le
petit
voleur
déboulait
tout
de
suite.
Enfin
le
voilà,
chapardant
dans
les
souks
d’un
Bagdad
en
carton
pâte.
C’est
lui,
c’est
bien
lui,
j’en
suis
sûr.
Je
ne
me
suis
pas
trompé
de
film.
Tout
le
charme
repose
sur
cet
acteur
auquel
je
me
suis
identifié
complètement,
parce
que,
comme
moi
à
l’époque,
il
est
de
petite
taille,
brun
de
peau,
vif
et
espiègle.
Abu !
Je
fus
Abu
pendant
plusieurs
années,
à
la
suite
d’une
rencontre
que
je
situe
vers
1958,
lors
d’une
de
ces
projections
de
cinéma
qu’organisaient
les
Œuvres
sociales
d’EGA,
le
jeudi
après-midi,
pour
les
enfants
des
employés.
L’histoire
d’amour
entre
le
prince
Ahmad
et
la
princesse
de
Basra,
au
centre
de
l’intrigue,
n’a
pas
résisté
à
mon
oubli.
Pour
moi,
le
film
commence
quand
Abu
ouvre
la
fiole
trouvée
échouée
sur
la
plage.
Je
jubile
au
spectacle
de
ce
panache
de
fumée
noire
qui
s’élève
puis
se
transforme
en
djinn.
" Depuis
2000
ans,
j’étais
prisonnier
de
cette
bouteille.
Les
premiers
1000
ans,
j’ai
béni
celui
qui
me
libérerait.
Les
1000
ans
suivants,
je
l’ai
maudit. "
À
peu
de
choses
près,
la
magie
des
trucages
continue
de
fonctionner.
Je
m’explique
d’autant
mieux,
à
la
seconde
vision,
pourquoi
Le
Voleur
de
Bagdad
a
imprégné
mon
enfance.
Indépendamment
de
ses
évidentes
qualités
esthétiques
et
techniques
(unanimement
saluées),
ce
film,
commencé
avant
guerre
en
Angleterre,
terminé
aux
Etats-Unis
alors
que
l’Allemagne
nazie
triomphait
en
Europe,
enseigne
une
recette
contre
la
barbarie :
la
facétie
et
la
malice
telles
qu’un
enfant,
pur
et
dévoué,
peut
seul
les
manier.
Dans
le
climat
d’une
autre
guerre,
" intérieure "
et
non-dite,
celle
que
j’ai
vécue
en
Algérie,
ce
film
somme
toute
irrévérencieux,
où
l’instinct
de
justice
se
rit
de
la
loi
et
du
raisonnement,
vaut
comme
une
revanche
contre
le
monde
des
adultes.
Outre
qu’il
jongle
habilement
avec
les
archétypes,
les
mythes
et
les
symboles,
mélangeant
Narcisse
et
la
Belle
au
bois
dormant,
tapis
volant
et
boule
de
cristal,
mer
et
désert…
,
Le
Voleur,
pour
qui
n'aurait
nulle
revanche
à
prendre,
déploie
un
Orient
magique
dans
lequel
on
a
envie
de
se
perdre.
L’envie
perdure.