Le
12,
je
prends
la
résolution
d'envoyer
en
avant
Lewis,
deux
chameliers
et
Charley,
avec
les
chameaux
les
plus
vigoureux,
afin
qu'ils
essayent
d'atteindre
le
plus
vite
possible
la
rivière,
dont
ils
nous
rapporteront
de
l'eau,
s'ils
réussissent.
Je
resterai
en
arrière
avec
mon
fils
et
un
autre
de
nos
compagnons;
nous
avancerons
autant
que
nous
le
pourrons
avec
nos
bêtes
harassées.
Mais
ce
projet
échoue;
les
chameaux
sont
incapables
de
prendre
une
allure
rapide
et
nous
rattrapons
presque
immédiatement
ceux
que
nous
avions
envoyés
en
avant.
Je
n'ai
plus
d'espoir,
car
je
ne
peux
plus
me
soutenir,
et
je
n'atteindrai
pas
la
rivière.
Je
donne
à
Lewis
mes
instructions
qui
le
justifieront,
si
je
meurs,
de
m'avoir
abandonné,
et
je
prends
toutes
les
dispositions
nécessaires
pour
assurer
la
conservation
de
mon
journal
et
de
mes
cartes.
S'il
ne
plaît
pas
à
Dieu
de
nous
sauver,
nous
ne
pouvons
vivre
plus
de
vingt-quatre
heures.
Nous
sommes
à
notre
dernière
goutte
d'eau,
et
la
plus
petite
miette
de
nourriture
sèche
m'étouffe.
Je
crains
que
mon
fils
ne
partage
mon
sort,
car
il
De
voudra
pas
m'abandonner.
Que
Dieu
ait
pitié
de
nous
:
nous
sommes
à
la
dernière
extrémité!
Quand
la
mort
nous
atteindra,
nous
ne
regretterons
pas
d'échanger
l'état
misérable
où
nous
sommes
pour
le
repos
dont
jouissent
ceux
qui
ont
souffert.
Nous
nous
sommes
efforcés
de
faire
notre
devoir,
et
nous
avons
été
déçus
dans
toutes
nos
espérances.
Cette
région
est
terrible.
Je
ne
crois
pas
qu'on
ait
jamais
traversé
une
étendue
aussi
vaste
de
désert
continu.
Richard
a
tué
un
petit
oiseau
pas
plus
gros
qu'un
moineau,
mais
qui
m'a
fait
du
bien.
Le
14,
à
midi,
au
moment
où
je
buvais
lentement
dans
la
solitude
une
cuillerée
d'eau,
Lewis
est
arrivé
avec
une
outre
plaine.
Jamais
je
n'oublierai
le
moment
où
je
bus
une
longue
gorgée
à
cette
outre;
mais
j'étais
si
faible
que
je
perdis
presque
connaissance
quand
je
m'arrêtai.
Ceux
de
nos
compagnons
qui
étaient
en
avant
ont
découvert
un
puits
à
environ
vingt
kilomètres.
Nos
vies
sont
sauves,
mais
le
pauvre
Charley
a
manqué
d'être
tué.
Il
était
allé
rejoindre
le
campement
indigène,
en
marchant
seul
en
avant.
Il
avait
été
bien
accueilli;
on
lui
avait
donné
de
l'eau;
mais
quand
il
poussa
le
cri
de
ralliement
pour
appeler
ses
compagnons,
et
lorsque
les
autres
chameaux
apparurent,
les
indigènes,
sans
doute
effrayés,
et
croyant
à
un
piège
de
Charley,
étaient
tombés,
sur
lui,
lui
avaient
fait
plusieurs
blessures
et
lui
avaient
presque
brisé
la
mâchoire,
Si
ses
compagnons
n'étaient
accourus
à
son
secours,
il
aurait
été
tué.
Nous
essayâmes
d'aller
vers
le
puits;
mais
nos
chameaux
étaient
absolument
sans
forces,
et
nous
en
tuâmes
encore
un
qui
ne
pouvait
plus
bouger.
Mon
fils
et
White
allèrent
chercher
de
l'eau
au
campement.
Lewis
et
moi
nous
découpâmes
le
chameau;
nous
envoyâmes
une
partie
de
l'intérieur
à
Charley
pour
qu'il
pût
se
faire
une
soupe,
et
d'autres
morceaux
pour
les
chameliers.
Nous
n'avons
plus
que
cinq
chameaux,
et
l'un
d'eux
est
si
faible
qu'il
ne
peut
porter
une
selle;
mais
j'espère
maintenant
que
nous
pourrons
atteindre
l'Oakover.
Le
15,
nous
nous
rendons
au
campement,
où
je
trouve
Charley
mieux
que
je
ne
le
supposais.
Je
crois
qu'il
survivra
à
ses
blessures.
Ce
que
les
Australiens
peuvent
supporter
en
ce
genre
sans
mourir
est
tout
à
fait
extraordinaire.
17
novembre.
-
Je
ne
quitterai
plus
cet
asile
tant
que
je
ne
saurai
pas
à
peu
près
à
quelle
distance
nous
sommes
de
la
rivière.
Je
ne
veux
plus
risquer
de
franchir
des
distances
inconnues,
car
deux
fois
cet
essai
a
failli
nous
faire
périr.
Je
pensais,
il
y
a
quelques
jours,
que
nous
en
avions
fini
avec
les
dunes.
C'était
une
erreur,
car
nous
en
avons
tout
autour
de
nous
autant
que
jamais.
Nous
resterons
sans
doute
ici
plus
d'une
semaine.
Lewis
va
partir
à
la
recherche
de
la
rivière;
il
ne
peut
guère
être
revenu
que
dans
cinq
jours,
et
quand
il
reviendra,
il
faudra
donner
deux
jours
de
repos
aux
chameaux.
Nous
augmentons
ainsi
sans
cesse
la
durée
de
notre
voyage,
et
de
moment
en
moment
l'inanition
nous
menace
davantage.
Nos
aliments
sont
aussi
détestables
et
en
aussi
petite
quantité
que
possible.
La
chamelle
dont
nous
nous
nourrissons
était
très
vieille,
tout
à
fait
desséchée,
usée,
et
sa
chair
ne
peut
nous
fournir
aucun
aliment.
Mais
nous
avons
de
l'eau,
en
abondance,
ce
qui
est
une
inestimable
bénédiction,
et
ôte,
relativement
toute
importance
à
nos
autres
privations.
19
novembre.
-
Mon
fils
est
si
faible
qu'il
peut
à
peine
remuer.
Nous
n'avons
plus
à
manger
que
pour
une
semaine,
et
notre
nourriture
est
telle
que
nous
sommes
à
peine
en
état
de
nous
tenir
debout
;
pour
faire
un
travail
quelconque,
la
force
nous
manquerait.
Si
je
suis
obligé
de
tuer
encore
un
chameau,
il
faudra
que
l'un
de
nous
aille
à
pied;
et
qui
de
nous
peut
supporter
cette
fatigue?
22
novembre.
-Nous
avons
tué
un
milan
qui
a
fait
notre
dîner.
Nous
n'avons
de
viande
séchée
que
pour
deux
jours.
Nous
mangeons
aussi
de
petits
fruits
qui
croissent
dans
les
alentours;
les
graines
qu'ils
contiennent
sont
d'une
amertume
insupportable,
et
il
faut
les
retirer
avec
soin.
(Il
est
fort
heureux
que
nous
les
ayons
retirées,
car
nous
avons
appris
depuis
que
c'était
très-probablement
du
poison.)
Le
25,
à
cinq
heures
du
soir,
Lewis
revient.
Il
a
pu
toucher
les
sources
de
l'Oakover;
elles
sont
plus
éloignées
que
je
ne
le
pensais,
mais
peut-être
peut-on
abréger
le
chemin
en
allant
plus
à
l'ouest.
Comme
nous
sommes
tous
réunis,
nous
tuons
un
nouveau
chameau,
et
faisons
un
large
repas
avec
son
cœur
et
son
foie.
Le
lendemain,
nous
préparons
la
viande.
de
notre
chameau.
La
chaleur,
qui
avait
été
si
accablante
pendant
longtemps,
diminue
depuis
quelques
jours,
ce
qui
est
pour
nous
un
grand
soulagement.
Dimanche
29
novembre.
-
Mes
compagnons
se
sont
joints
à
moi
aujourd'hui
pour
dire
les
prières
du
dimanche.
Nous
avons
fait
notre
dernier
bouillon
d'os
de
chameau,
bouillon
qui
ne
vaut
pas
l'eau
claire.
Nous
entamons
notre
provision
de
viande
séchée,
et
il
paraît
certain
qu'il
nous
faudra
tuer
encore
un
chameau
avant
d'atteindre
la
rivière.
Un
chameau
paraît
un
très-grand
animal;
mais
proportionnellement
il
fournit
peu
à
manger,
et
il
ne
nous
reste
que
cet
aliment
;
nous
n'avons
plus
même
une
pincée
de
sel.
Il
faut
quarante-huit
heures
d'ébullition
pour
cuire
un
morceau,
mais
il
est
alors
très-bon.
1er
décembre,
nous
partons
à
dix
heures
du
soir.
d'entre
nous
vont
à
pied.
Nous
n'avançons
donc
lentement
;
les
dunes
et
les
plaines
sont
très-fatigantes.
Quand
nous
campons
les
fourmis
nous
empêchent
de
dormir.
Le
4,
je
deviens
si
malade
que
je
ne
peux
plus
me
tenir
en
selle
sur
le
chameau,
où
il
faut
que
l'on
m'attache
étendu
sur
le
dos.
On
imagine
quels
cahots
j'endure
quand
l'animal
gravit
les
pentes
escarpées
des
dunes.
A
deux
heures
un
quart
du
matin,
nous
sortons
enfin
de
ces
éternelles
collines
de
sable,
où
avons
été
si
longtemps
ensevelis,
et
nous
atteignons
une
chaîne
de
hauteurs
rocheuses.
Nous
sommes
hors
du
désert,
et
nous
rendons
grâce
de
ne
pas
y
avoir
péri.
Si
nous
pouvons
nous
procurer
un
peu
de
nourriture
près
de
la
rivière
et
sauver
nos
chameaux,
nous
n'aurons
plus
qu'à
suivre
doucement
le
cours
de
la
rivière.
Je
ne
peux
décrire
la
joie
que
nous
ressentons
en
apercevant
de
nouveau
de
l'eau
courante.
Les
chameaux
se
comportent
bravement
et
nous
font
faire
trente-deux
kilomètres
en
sept
heures.
Mes
compagnons
tuent,
non
sans
peine,
quelques
oiseaux
qu'ils
ont
la
bonté
de
m'offrir.
Je
vais
mieux;
mon
fils,
qui
est
très-faible,
tombe
et
se
fait
une
blessure
grave
à
la
jambe.
Le
6,
nous
voyons
des
arbres
le
long
du
ruisseau!
Combien
la
végétation
paraît
belle
à
nos
regards
si
fatigués
des
aspects
de
la
terrible
région
que
nous
venons
de
traverser
!
Nous
campons
sur
la
rive
et
nous
tuons
encore
un
chameau.
Nous
prenons
quelques
petits
poissons
qui
nous
font
beaucoup
de
bien.
Malgré
cette
nourriture,
je
peux
à
peine
me
soutenir.
Les
fourmis
nous
empêchent
toujours
de
prendre
un
seul
moment
de
repos.
Je
constate
avec
le
plus
grand
chagrin
que
mon
baromètre
anéroïde
est
abîmé.
J'aurais
dû
en
emporter
deux.
Nous
cherchons
à
prendre
des
poissons,
mais
nous
ne
réussissons
pas.
Un
filet
vaudrait
pour
nous
son
pesant
d'or.
Que
les
voyageurs
en
Australie
n'oublient
pas
à
l'avenir
d'en
emporter
!
Depuis
trois
jours
nous
avons
des
aliments
frais,
nous
n'en
sommes
pas
plus
forts.
En
fait,
nous
nous
épuisons
davantage
de
jour
en
jour.
Sans
farine,
nous
ne
retrouverons
jamais
assez
de
forces
pour
marcher.
Le
mieux
serait
d'envoyer
deux
d'entre
nous
en
avant
jusqu'au
premier
établissement,
d'où
l'on
nous
rapporterait
des
aliments
et
une
voiture.
La
route
est
pénible,
mais
le
pays
est
très-beau;
j'ai
vu
peu
de
gorges
aussi
pittoresques;
le
ruisseau
roule
des
eaux
d'une
abondance
surprenante.
Le
11,
nous
touchons
l'Oakover,
large
et
imposante
rivière.
Avec
quel
sentiment
de
reconnaissance
nous
nous
mettons
à
l'abri
du
soleil
sous
les
ombrages
qui
bordent
ses
rives
!
Après
les
mois
que
nous
avons
passés
dans
les
redoutables
collines
de
sable
où
nous
avons
été
brûlés
si
longtemps,
que
ces
arbres
nous
paraissent
splendides
!
Le
13,
Lewis
et
un
Afghan
partent
avec
les
deux
meilleurs
chameaux;
je
les
envoie
à
l'établissement
de
MM.
Harper
et
compagnie.
J'ignore
à
quelle
distance
il
se
trouve;
je
ne
sais
même
pas
s'il
existe
encore,
mais
c'est
notre
seule
chance
de
salut.
Quant
à
nous,
nous
installons
notre
campement
le
long
de
la
rivière.
Nous
aurions
voulu
aller
en
avant
pour
diminuer
la
distance
que
Lewis
aura
à
parcourir
à
son
retour;
mais
nous
sommes
tous
incapables
de
marcher,
et
le
seul
chameau
que
nous
ayons
a
comme
nous
trop
souffert
de
sa
traversée
du
désert.
Quoiqu'il
ait
maintenant
à
boire
et
à
manger,
il
reste
épuisé.
Nous
cherchons
à
nous
nourrir
de
poissons
et
de
gibier,
mais
en
somme
c'est
la
viande
de
chameau
séchée
qui
fait
le
fond
de
notre
nourriture.
Le
15,
une
forte
pluie
qui
survient
nous
est
très
pénible,
car
nous
n'avons
ni
vêtement
ni
abri.
Le
19,
le
beau
temps
étant
revenu,
nous
en
profitons
pour
tuer
notre
dernier
chameau,
le
couper
et
l'exposer
au
soleil.
Le
21,
nous
faisons
sécher
notre
viande
de
chameau
et
nous
prenons
un
bain.
Le
23,
nous
découvrons
un
peu
de
miel
!
Après
avoir
été
si
longtemps
privés
de
sucre,
c'est
pour
nous
une
nourriture
délicieuse.
Nous
prenons
aussi
quelques
oiseaux.
29
décembre.
-
Lewis
ne
revient
pas.
Si
l'établissement
de
pionnier
sur
lequel
je
compte
a
été
abandonné,
si
Lewis
est
obligé
d'aller
jusqu'à
Roebourne,
près
de
la
côte,
il
ne
peut
pas
être
de
retour
avant
trois
semaines,
et
à
moins
que
Dieu
ne
nous
protège,
nous
ne
pouvons
pas
vivre
jusque-là
avec
les
seules
ressources
si
insuffisantes
que
nous
réussissons
à
nous
procurer.
J'ai
pourtant
bien
fait
d'envoyer
Lewis
à
la
recherche
de
cet
établissement.
Si
mon
plan
échoue,
sa
vie
et
celles
des
deux
compagnons
qu'il
a
emmenés
auront
du
moins
été
sauvées.
Peu
d'heures
après
le
moment
où
le
colonel
Warburton
traçait
ces
lignes
sur
son
journal,
Lewis
reparaissait
avec
des
provisions
abondantes
et
six
chevaux.
Il
avait
trouvé
l'établissement
vers
lequel
il
avait
été
envoyé,
et
on
s'était
aussitôt
empressé
de
mettre
à
sa
disposition
tout
ce
qui
était
nécessaire
aux
malheureux
explorateurs.
Le
3
janvier,
le
colonel
Warburton
quittait
son
campement,
et
le
11
il
arrivait
à
l'établissement
de
MM.
Grant
,
Harper
et
Anderson.
Son
exploration
était
terminée.
Parti
du
cœur
de
l'Australie,
il
avait
réussi
à
rejoindre
la
côte
occidentale
du
continent
à
travers
le
désert,
qu'il
avait
reconnu
dans
des
parties
jusqu'alors
complétement
inexplorées.
Grâce
aux
soins
qui
furent
prodigués
aux
voyageurs,
ils
purent
repartir
le
21
pour
Roebourne,
petit
ville
sur
le
rivage
de
l'océan
Indien.
Là
ils
furent
accueillis
par
des
fêtes
et
des
adresses
enthousiastes
qui
devaient
se
renouveler
partout
sur
leur
passage
jusqu'à
leur
retour
à
leur
foyer.
Toute
l'Australie
tint
à
honneur
de
témoigner
sa
reconnaissance
au
courageux
explorateur,
qui
reçut
bientôt
de
l'Angleterre
elle_même
le
plus
haut
témoignage
qu'il
pût
souhaiter
:
la
Société
royale
de
géographie
a
décerné
en
médaille
d'or
au
colonel
Warburton.

Le
secours.
-
Dessin
de
D.
Maillart.
Pour
extrait
et
traduction
:
Emile
DELEROT.