|
Encore
un
chameau
perdu.
-
Rareté
des
puits.
Rencontre
d'indigènes.
-
Fourmis
impitoyables.
-
Famine
croissante.
4
octobre.
-
Le
chameau
de
selle
de
Lewis,
qui
avait
été
jusqu'à
présent
un
de
nos
meilleur,
cesse
de
pouvoir
servir
;
sur
sept
chameaux
de
selle,
c'est
le
cinquième
que
nous
perdons.
Nous
partons
le
dimanche
5,
à
trois
heures
quarante-cinq
minutes
du
matin,
et
nous
atteignons
un
puits
à
huit
heures
et
demie.
Nous
avons
été
obligés
de
nous
reposer
souvent,
car
il
nous
fallait
couper
des
collines
de
sable
à
angle
droit.
Ce
puits
ne
nous
donne
pas
la
quantité
d'eau
nécessaire.
Nous
travaillons
toute
la
nuit
pour
en
faire
apparaître
davantage;
il
nous
faut
trois
heures
pour
obtenir
la
valeur
d'un
seau;
nous
réussissons
à
donner
cette
quantité
à
chacune
de
nos
bêtes.
Nous
tuons
un
chameau
boiteux
pour
le
manger.
Le
6,
nous
découpons
et
salons
notre
chameau.
Lewis
et
Charley
continuent
à
explorer
les
environs.
Au
moment
où
je
craignais
d'être
obligé
de
partir
pour
notre
dernier
campement,
Richard
et
Lewis
reviennent
avec
de
bonnes
nouvelles.
Ils
ont
trouvé
un
puits
qui
sauve
la
vie
à
deux
ou
trois
de
nos
chameaux.
Le
8,
nous
partons
à
six
heures
avec
les
bagages
pour
gagner
notre
nouveau
campement.
Afin
de
ménager
nos
chameaux,
j'allais
à
pied.
A
un
moment
où
j'étais
seul
en
avant,
j'entendis
tout
à
coup
derrière
moi
du
bruit.
Je
me
retourne
et
je
vois
neuf
noirs
armés
qui
approchaient
en
courant.
A
environ
douze
ou
quinze
mètres,
ils
s'arrêtent;
deux
d'entre
eux
font
mine
de
me
menacer
de
leur
lance,
mais
plutôt
par
bravade
je
crois,
que
sérieusement;
j'avance
alors
vers
eux
le
revolver
à
la
main;
ils
abaissent
leurs
armes,
et
nous
essayons
de
nous
comprendre,
sans
réussir.
Pendant
qu'ils
baragouinaient,
j'entendis
au
loin
une
détonation.
Je
ne
voulus
pas
répondre
à
ce
signal,
car
je
n'avais
que
trois
coups
à
tirer;
mes
amis
noirs
auraient
pu
croire
qu'une
décharge
épuisait
mes
moyens
de
défense,
et
avoir
l'idée
de
commencer
les
hostilités.
J'allai
avec
eux
à
leur
camp
et
pris
un
peu
d'eau.
Les
femmes
et
les
enfants
ne
s'approchaient
pas;
mais
les
indigènes
qui
avaient
une
barbe
grise
comme
la
mienne
fraternisaient
avec
moi;
nous
passâmes
mutuellement
la
main
sur
nos
barbes,
je
ne
sais
pas
bien
pourquoi,
à
moins
que
ce
ne
fût
pour
nous
assurer
qu'elles
n'étaient
pas
attachées;
après
cette
petite
formalité,
nous
fûmes
bons
amis.
Je
les
quitte
bientôt
et
me
rends
à
notre
campement
avec
mes
compagnons
qui
m'ont
rejoint.
Nous
y
restons
plusieurs
jours
pour
permettre
à
nos
chameaux
épuisés
de
reprendre
des
forces;
car
nos
existences
dépendent
de
la
possibilité
pour
eux
de
traverser
le
désert.
Nous
tuons
quelques
oiseaux,
ce
qui
nous
permet
de
ménager
nos
provisions;
nous
nous
efforçons
aussi
de
conserver
le
plus
longtemps
possible
ce
qui
nous
reste
de
farine
et
de
thé.
Le
14,
nous
gagnons
le
camp
des
indigènes;
nous
n'y
trouvons
plus
personne.
Notre
intention
est
d'avancer
de
quatre-vingts
à
cent
kilomètres
à
l'ouest,
et,
si
nous
découvrons
encore
de
l'eau
pour
faire
boire
nos
chameaux,
nous
réunirons
tout
ce
que
nous
aurons
encore
de
forces
pour
gagner
enfin
la
rivière
Oakover.
Le
15,
le
puits
du
camp
ne
nous
donne
plus
d'eau
que
pour
notre
usage
personnel;
nous
sommes
obligés
de
renvoyer
les
chameaux
à
la
station
précédente.
Je
fais
suivre
les
traces
des
indigènes;
mais
ils
sont
allés
vers
le
sud-est,
et
il
nous
est
impossible
de
prendre
cette
direction;
nous
devons
toujours
aller
le
plus
Possible
à
l'ouest.
Le
l6
au
matin,
c'est
de
ce
côté
que
nous
marchons,
autant
que
nous
le
permettent
les
collines
de
sable,
acceptant
de
la
Providence
ce
qu'elle
voudra
bien
nous
envoyer.
Nous
sommes
dans
les
mains
de
Dieu
et,
pour
ma
part,
je
n'éprouve
ni
crainte
ni
tristesse.

Le
dernier
chameau
La
région
que
nous
traversons
est
plus
sèche
que
toutes
celles
que
nous
avons
vues
récemment.
C'est
en
vain
que
nous
cherchons
un
nouveau
puits,
et
le
19,
il
faut
revenir
sur
nos
pas.
Nous
ne
pouvons
plus
nous
accorder
pour
nos
repas
qu'une
cuillerée
de
farine
délayée
avec
de
l'eau;
nous
y
ajoutons
du
chameau
séché
au
soleil
et,
des
graines
d'acacia
rôties.
Le
20,
,nous
avons
tué
un
pigeon.
Le
soir,
nous
tuons
un
chameau
qui
a
été
blessé
au
dos
;
dans
un
jour
ou
deux
il
serait
incapable
de
marcher,
et
il
tomberait
pour
devenir
la
proie
des
mouches
qui
accourent
aussitôt
en
nombre
prodigieux
avec
une
incroyable
rapidité.
Ces
mouches
sont
un
insupportable
fléau;
elles
se
jettent
sur
les
oreilles,
les
narines,
les
yeux
du
voyageur,
qui
ne
peut
s'en
défendre,
qu'avec
un
voile,
en
se
frottant
d'onguents
spéciaux,
surtout
autour
yeux.
D'une
petite
égratignure,
ces
mouches
font
une
plaie
de
mauvaise
nature.
Le
21,
nous
découpons
et
salons
notre
chameau.
L'intérieur
nous
donne
un
bon
souper
et
un
bon
déjeuner.
Ce
chameau
est
bien
meilleur
que
la
vieille
chamelle
usée
que
nous
avons
déjà
mangée.
Le
22,
j'envoie
deux
hommes
à
la
recherche
de
l'eau
vers
le
sud,
avec
des
provisions
pour
trois
jours.
La
marche
en
avant,
dans
n'importe
quelle
direction,
sauf
l'est,
vaut
mieux
que
la
prolongation
de
notre
séjour
ici,
qui
est
aussi
fatigante
que
dangereuse.
Le
25,
nous
avons
salé
tout
le
chameau;
depuis
le
20,
nous
vivions
de
ses
cartilages
et
du
bouillon
fait
avec
ses
os.
Le
26,
Lewis
et
Charley
reviennent
;
ils
ont
trouvé
vers
le
sud
des
puits
passables.
Nous
irons
de
ce
côté
dès
que
les
chameaux
qui
arrivent
seront
reposés.
Le
29,
une
autre
catastrophe
survient
:
un
de
nos
plus
grands
chameaux
tombe
malade;
si
nous
le
perdons,
nous
n'en
aurons
plus
que
cinq,
et
sur
ces
cinq
animaux,
deux
sont
très-faibles
et
très-peu
sûrs.
C'est
tout
ce
qui
nous
reste
pour
porter
sept
hommes,
les
provisions
et
l'eau.
Les
provisions
sont
bien
peu
abondantes,
mais
l'eau
est
très-lourde
et
absolument
indispensable..
Le
31,
le
chameau
va
mieux;
nous
partons
à
quatre
heures
et
quart
du
matin.
Nous
arrivons
assez
bien
au
puits
qui,
nettoyé,
peut
nous
rendre
les
services
que
nous
attendons
de
lui.
Nous
sommes
tous
heureux
et
reconnaissants
d'avoir
pu
quitter
enfin
notre
station
et
marcher
en
avant.
En,
revanche,
nous
avons
à
souffrir
horriblement
des
fourmis,
qui
sont
pour
nous
des
ennemis
intolérables.
Le
sable
en
est
littéralement
couvert,
et,
en
frappant
du
pied,
on
en
fait
apparaître
des
milliers.
Lorsque,
exténués
de
lassitude,
nous
nous
étendons
à
l'ombre
d'un
buisson,
aussitôt
ces
impitoyables
insectes
non-seulement
nous
empêchent
de
dormir,
mais
ne
nous
permettent
même
pas
de
rester
couchés.
Il
n'y
a
pas
de
vêtement
qui
puisse
défendre
contre
les
morsures
de
leurs
vigoureuses
mandibules,
et
il
faut,
de
désespoir,
aller
se
coucher
sous
le
soleil
brûlant,
là
où
la
chaleur
est
trop
forte
même
pour
les
fourmis.
On
est
obligé
de
renoncer
au
bien-être
que
donnerait
un
peu
d'ombre.
La
nuit
même,
on
n'a
pas
plus
de
répit
que
pendant
le
jour.
4
novembre.
-
Nous
commençons
la
traversée
du
désert
qui
nous
sépare
de
la
rivière
Oakover.
Que
Dieu
nous
donne
la
force
de
l'achever
!
Richard
est
très-souffrant,
et
je
ne
le
suis
pas
moins.
Les
dunes
de
sable
sont
plus
fatigantes
encore
que
d'habitude,
et
nous
ne
pouvons
pas
aller
aussi
vite
que
nous
le
pensions.
Pendant
quelques
heures,
une
éclipse
de
lune
nous
plonge
dans
l'obscurité;
nous
avançons
cependant
assez
bien.
Mais
pourrai-je
continuer
le
voyage
?
J'en
doute
;
car
je
suis
réduit,
par
la
soif,
la
famine
et
la
fatigue,
à
l'état
de
squelette,
et
je
suis
si
maigre,
si
faible
que
je,
peux
à
peine
me
soulever
de
terre
et
marcher
quelques
pas.
Pendant
toute
la
journée,
nous
avons
cru
que
Charley
était
perdu;
il
était
parti
à
pied
depuis
le
matin
et
n'a
pas
reparu
à
l'heure
convenue.
Nous
ne
pouvions
retarder
notre
départ
:
le
peu
d'eau
que
nous
avions
ne
nous
le
permettait
pas
;
d'un
autre
côté,
abandonner
Charley,
c'était
le
condamner
à
périr
.
Après
l'avoir
attendu
jusqu'à
neuf
heures
du
soir,
il
fallut
partir.
Nous
avions
fait
environ
douze
ou
treize
kilomètres,
quand,
à
notre
immense
joie,
Charley
nous
rejoignit
!
Le
pauvre
garçon,
malgré
les
fatigues
de
la
nuit
précédente,
avait
fait
plus
de
trente
kilomètres
à
pied.
Il
avait
rencontré
un
groupe
d'indigènes
assez
nombreux
et
vu
leur
puits.
Cette
bonne
nouvelle
nous
rendit
des
forces
à
tous.
Il
nous
sembla
que
la
main
de
la
Providence
était
visible
dans
cette
circonstance.
Si
nous
avions
avancé
ou
retardé
notre
départ
de
dix
minutes,
Charley
ne
nous
aurait
pas
retrouvés,
et
par
suite
tous
les
membres
de
l'expédition
auraient
très-probablement
péri
de
soif.
Nous
nous
dirigeâmes
aussitôt
vers
le
campement
d'indigènes
indiqué
par
notre
énergique
et
courageux
compagnon.
J'étais
si
épuisé
qu'il
était
évident
que
je
n'aurais
pu
avancer
plus
longtemps
avec
aussi
peu
de
nourriture
et
d'eau.
Grâces
soient
rendues
à
Dieu
qui
nous
a
conduits
là
où
je
pouvais
trouver
ce
qui
nous
étaient
si
nécessaire
!

Après
nous
avoir
donné
par
échange
un
wallaby
qui
nous
servit
de
nourriture,
les
indigènes
disparurent
dès
le
lendemain
matin.
Nous
n'avions
plus
à
compter
sur
eux
pour
nous
secourir.
J'espérais
n'être
qu'à
trois
journées
de
l'Oakover,
et
nous
rencontrerions
sans
doute
quelque
affluent
avant
de
toucher
la
rivière
elle-même.
Certains
signes
semblaient
nous
annoncer
une
région
moins
dépourvue
de
moyens
de
subsistance.
Dans
ces
terribles
dunes
qui
opposaient
tant
d'obstacles
à
notre
marche,
il
n'y
avait
absolument
rien.
La
chair
de
chameau
séchée
au
soleil
ne
nous
donnait
qu'une
apparence
d'alimentation
Nous
ne
sommes
pas
difficiles,
nous
aurions
mangé
tout
ce
que
nous
aurions
trouvé;
mais
nous
ne
trouvions
rien,
pas
même
un
corbeau,
ou
un
serpent
.
Aux
dunes
de
sable
succèdent
les
plaines
couvertes
de
spinifex
serré;
mais
là,
nous
rencontrons,
avec
quel
bonheur!
deux
ou
trois
lits
de
cours
d'eau
qui,
autant
que
nous
pouvons
en
juger
dans
l'obscurité,
se
dirigent
du
sud
au
nord.
Le
sol
semble
s'élever.
Après
avoir
bien
étudié
la
région,
nous
continuons
sud.
Nous
ne
pouvons
faire
dans
toute
la
nuit
qu'une
trentaine
de
kilomètres,
et
nous
avons
encore
une
bien
grande
étendue
de
pays
entre
nous
et
la
rivière.
Nous
n'avons
plus
ni
farine,
ni
thé,
ni
sucre
ni
se1
;
nous
ne
pouvons
donc
saler
notre
viande.
Nous
ne
vivons
que
de
bandes
de
chair
séchée
au
soleil,
et
qui
sont
aussi
dépourvues
de
goût,
aussi
peu
nutritives
qu'un
morceau
d'écorce
sèche.
|
|