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Conspiration pour l’égalité

 

Système de Babeuf adopté par le comité insurrectionnel de la Conjuration dite des égaux, reproduit par Philippe Buonarroti dans Conspiration pour l’égalité, Bruxelles à la librairie romantique, 1828

" Art. 1 : la nature a donné à chaque homme un droit égal à la jouissance de tous les biens.

Art. 2 : le but de la société est la défense de cette égalité et d’augmenter par le concours de tous, les jouissances communes.

Art. 3 : la nature a imposé à chacun l’obligation de travailler ; nul ne peut sans crime se soustraire au travail.

Art. 4 : les travaux et les jouissances doivent être communs, c'est-à-dire que tous doivent supporter une égale portion de travail et retirer une égale quantité de jouissances.

Art. 5 : il y a oppression, quand l’un s’épuise par le travail et manque de tout ; tandis que l’autre nage dans l’abondance sans rien faire.

Art. 6 : nul ne peut sans crime s’approprier exclusivement les biens de la terre et de l’industrie.

Art. 7 : dans une véritable société, il ne doit y avoir ni riches ni pauvres.

Art. 8 : les riches qui ne veulent pas renoncer au superflu, en faveur des indigens, sont les ennemis du peuple.

Art. 9 : nul ne peut, par l’accumulation de tous les moyens, priver un autre de l’instruction nécessaire pour son bonheur. L’instruction doit être commune.

Art. 10 : le but de la révolution est de détruire l’inégalité et de rétablir le bonheur commun.

Art. 11 : la révolution n’est pas finie, parce que les riches absorbent tous les biens et commandent exclusivement, tandis que les pauvres travaillent en esclaves, languissent et ne sont rien dans l’Etat. "

Chanson nouvelle à l’usage des faubourgs sur l’air de "c’est ce qui me désole"

L'Eclaireur du 17 germinal an 4 (6 avril 1796)

Mourant de faim, ruiné, tout nu,
Avili, vexé, que fais-tu ?
Peuple ! tu te désole (bis)
Cependant le riche effronté,
Qu’épargna jadis ta bonté,
T’insulte, et se console (bis)

Gorgés d’or, des hommes nouveaux,
Sans peines, ni soins, ni travaux,
S’emparent de la ruche (bis)
Et toi, Peuple laborieux !
Mange, et digère, si tu peux,
Du fer, comme l’autruche (bis)

Évoque l’ombre des Gracchus,
Des Publicola, des Brutus,
Qu’ils te servent d’enceinte ! (bis)
Tribun courageux ? hâte-toi.
Nous t’attendons. Trace la loi
De l’Egalié sainte. (bis)

Oui ! Tribun ! Il faut en finir.

Que tes pinceaux fassent pâlir
Luxembourg et Véronne ! (bis)
Le règne de l’Egalié
Ne veut, dans sa simplicité,
Ni panaches, ni trône ! (bis)

Le Peuple et le Soldat unis
Ont bien su réduire en débris
Le Trône et la Bastille (bis)
Tyrans nouveaux ! hommes d’état !
Craignez le Peuple et le Soldat
Réunis en famille (bis)

Je m’attends bien que la prison
Sera le prix de ma chanson,
C’est ce qui me désole (bis)
Le Peuple la saura par cœur ;
Peut-être il bénira l’auteur ;
C’est ce qui me console. (bis)

Signé M

UNE

Gracchus Babeuf - le Tribun du Peuple n° 35, 17 brumaire an IV 
(8 novembre 1795)

Voici exposé

" le terrible manifeste",  le " décalogue de la sainte humanité", du " sans-culotisme ", de " l’imprescriptible équité ", le " véritable code de la nature " :

" nous expliquerons clairement ce que c’est que le bonheur commun, but de la société

nous démontrerons que le sort de tout homme n’a pas dû empirer au passage de l’état naturel à l’état social

nous définirons la propriété

nous prouverons que le terroir n’est à personne, mais qu’il est à tous

nous prouverons que tout ce qu’un individu en accapare au-delà de ce qui peut le nourrir, est un vol social

nous prouverons que le prétendu droit d’aliénabilité est un infâme attentat populicide

nous prouverons que l’hérédité par familles est une non moins grande horreur ; qu’elle isole tous les membres de l’association, et fait de chaque ménage une petite République, qui ne peut que conspirer contre la grande, et consacrer l’inégalité

nous prouverons que, ce qu’un membre du corps social a au-dessous de la suffisance de ses besoins de toute espèce et de tous les jours, est le résultat d’une spoliation de sa propriété naturelle individuelle, faite par les accapareurs des biens communs

que, par la même conséquence ; tout ce qu’un membre du corps social a au-dessus de la suffisance [...] est le résultat d’un vol fait aux autres co-associés, qui en prive nécessairement un nombre plus ou moins grand, de sa cote-part dans les biens communs

que tous les raisonnemens les plus subtils ne peuvent prévaloir contre ces inaltérables vérités

que la supériorité de talens et d’industrie n’est qu’une chimère et un leure spécieux, qui a toujours induement servi aux complots des conspirateurs conte l’égalité

que la différence de valeur et de mérite dans le produit du travail des hommes, ne repose que sur l’opinion que certains d’entr’eux y ont attachée, et qu’ils ont sur faire prévaloire

que c’est sans doute à tort que cette opinion a apprécié la journée de celui qui fait une montre, vingt fois plus que la journée de celui qui trace des sillons

que c’est cependant à l’aide de cette fausse estimation, que le gain de l’ouvrier horloger l’a mis à portée d’acquérir le patrimoine de vingt ouvriers de charrue, qu’il a, par ce moyen, expropriés

que tous les prolétaires ne le sont devenus que par le résultat de la même combinaison dans tous autres rapports de proportion, mais partant tous de l’unique base de la différence de valeur établie entre les choses par la seule autorité de l’opinion

qu’il y a absurdité et injustice dans la prétention d’une plus grande récompense pour celui ont la tâche exige un plus haut degré d’intelligence, et plus d’application et de tension d’esprit ; que cela n’étend nullement la capacité de son estomac

qu’une raison ne peut faire prétendre une récompense excédant la suffisance des besoins individuels

que ce n’est non plus qu’une chose d’opinion que la valeur de l’intelligence, et qu’il est peut-être encore à examiner si la valeur de la force toute naturelle et physique, ne la vaut point

que ce sont les intelligens qui ont donné un si haut prix aux conceptions de leurs cerveaux, et que, si c’eût été les forts qui eussent concurrement réglé les choses, ils auroient sans doute établi que le mérite des bras valoit celui de la tête, et que la fatigue de tout le corps pouvoit être mise en compensation avec celle de la seule partie ruminante.

Que, sans cette égalisation posée, on donne aux plus intelligens, aux plus industrieux, un brevet d’accaparement, un titre pour dépouiller impunément ceux qui le sont moins

Que c’est ainsi que s’est détruit, renversé dans l’état social, l’équilibre de l’aisance, puisque rien n’est mieux prouvé que notre grande maxime : qu’on ne parvient à avoir trop qu’en faisant que d’autres aient point assez.

Que toutes nos institutions civiles, nos transactions réciproques, ne sont que les actes d’un perpétuel brigandage, autorisé par d’absurdes et de barbares lois, à l’ombre desquelles nous ne sommes occupés qu’à nous entre-dépouiller

Que notre société de fripons entraîne, à la suite de ses atroces conventions primordiales, toutes les espèces de vices, de crimes et de malheurs contre lesquels quelques hommes de bien se liguent en vain pour leur faire la guerre, qu’ils ne peuvent rendre triomphante parce qu’ils n’attaquent point le mal dans sa racine, et qu’ils n’appliquent que des palliatifs puisés dans le réservoir des idées fausses de notre dépravation organique [...]

Que ce n’est que notre seule espèce qui a introduit cette folie meurtrière de distinctions de mérite et de valeur, et qu’ausssi ce n’est qu’elle qui connoît le malheur et les privations

Qu’il ne doit point exister de privation des choses que la nature donne à tous, produit par tous, si ce n’est celles qui sont le suite des accidens inévitables de la nature, et que dans ce cas, ces privations doivent être supportées et partagées également par tous

Que les productions de l’industrie et du génie deviennent aussi la propriété de tous, le domaine de l’association entière, du moment même que les inventeurs et les travailleurs les ont fait éclore ; parce qu’elles ne sont qu’une compensation des précédentes inventions du génie et de l’industrie, dont ces inventeurs et ces travailleurs nouveaux ont profité dans la vie sociale, et qui les ont aidés dans leurs découvertes

Que, puisque les connoissances acquises sont le domaine de tous, elles doivent donc être également réparties entre tous

Qu’une vérité contestée mal-à-propos par la mauvaise foi, le préjugé ou l’irréflexion, c’est que cette répartition égale des connoissances entre tous, rendroit tous les hommes à peu près égaux en capacité et même en talens

Que l’éducation est une monstruosité, lorsqu’elle est inégale, lorsqu’elle est le patrimoine exclusif d’une portion de l’association ; puisqu’alors elle devient, dans les mains de cette portion, un amas de machines, une provision d’armes de toutes sortes, à l’aide desquelles cette première portion combat contre l’autre qui est désarmée, parvient facilement, en conséquence, à la juguler, à la tromper, à la dépouiller, à l’asservir sous les plus honteuses chaînes

[...] (citant un " philosophe ") vous n’aurez rien fait, tant que vous n’aurez pas détruit les germes de la cupidité et de l’ambition

qu’il faut donc que les institutions sociales mènent à ce point, qu’elles ôtent à tout individu l’espoir de devenir jamais ni plus riche, ni plus puissant, ni plus distingué par ses lumières, qu’aucun de ses égaux

qu’il faut, pour préciser davantage ceci, parvenir à enchaîner le sort ; à rendre celui de chaque co-associé indépendant des chances et des circonstances heureuses et malheureuses ; à assurer à chacun et à sa postérité, telle nombreuse qu’elle soit, la suffisance, mais rien que la suffisance ; et à fermer, à tous, toutes les voies possibles, pour obtenir jamais au-delà de la cote-part individuelle dans les produits de la nature et du travail

que le seul moyen d’arriver là, est d’établir l’administration commune ; de supprimer la propriété particulière ; d’attacher chaque homme au talent [sic], à l’industrie qu’il connoît ; de l’obliger à en déposer le fruit en nature au magasin commun ; et d’établir une simple administration, de distribution, une administration des subsistances, qui, tenant registre de tous les individus et de toutes les choses, fera répartir ces dernières dans la plus scrupuleuse égalité, et les fera déposer dans le domicile de chaque citoyen

que ce gouvernement [...] est le seul dont il peut résulter le bonheur universel [...]

que ce gouvernement fera disparoître les bornes, les haies, les murs, les serrures aux portes, les disputes, les procès, les vols, les assassinats, tous les crimes ; les tribunaux, les prisons, les gibets, les peines, le désespoir que causent toutes ces calamités, l’envie, la jalousie, l’insatiabilité, l’orgueil, la tromperie, la duplicité, enfin tous les vices ; plus (et ce point est sans doute l’essentiel,) le ver rongeur de l’inquiétude générale, particulière, perpétuelle de chacun de nous, sur notre sort du lendemain, du mois, de l’année suivante, de notre vieillesse, de nos enfans et de leurs enfans. "

 

  • programme des philadelphes ( in De la République de Dieu - union religieuse pour la pratique immédiate de l’égalité et de la fraternité universelles - rédigé à la demande de ses Frères - par Constantin Pecqueur, Paris charpentier 1844 - 320 p)

Egalité absolue pour tous devant la loi sociale, religieuse, économique et politique

Education commune, gratuite, égale pour tous indistinctement (sexe, origine, classe, fortune ou rang)

Travail obligatoire pour tous

Service de chacun selon ses aptitudes et sa puissance relative

Rétribution à chacun, selon sa moralité relative ou sa fidélité dans le service

Propriété, ou plutôt usufruit commun, indivis, inaliénable à jamais de la terre et de tous les instrumens de travail, entre tous les membres de la grande famille. - il n’y a qu’un seul propriétaire c’est Dieu ; qu’un seul usufruitier, c’est l’humanité.

Exploitation de toutes les industries et de toutes les sphères d’activité sociale par les plus aptes, au profit égal ou équitable de chacun et de tous

Délégation des instrumens de travail et des services aux individus, toujours revendicable comme propriété publique

Production, distribution et préparation économiques, en commun, par réunions avantageuses, et en général :

Communauté de travail ou d’efforts dans toutes les sphères de l’activité sociale ;

Unité et centralisation de tout le mouvement créateur des richesses, sous la direction des serviteurs de l’union et le contrôle du peuple

Privauté facultative dans la consommation ; ménage par famille ou en commun, à la volonté mobile de chacun

Domesticité, radicalement abolie par la transformation de tout service particulier en fonction publique

Richesse publique et capital de l’Eglise universelle, formés de tous les produits matériels et immatériels résultant du travail social de chacun et de tous, confié à la direction des pouvoirs, sous leur responsabilité et dans le sens de la loi d’égalité et de fraternité

Révocabilité de tous les fonctionnaires, à la volonté du peuple ; mais substitution obligée d’une fonction à une autre

Sécurité de position tant qu’on remplit convenablement les charges

Perfectionnement professionnel toujours possible pour chacun, gratuitement, à tout âge et dans toute position sur le pied d’égalité

Classement, avancement, position des individus, transmission des services, selon la force ou l’aptitude relative et la moralité relative de chacun, déterminés par le double critérium des examens et des concours devant des juges élus par le peuple, et de l’élection expresse du peuple dans chaque circonscription

Unité égale de tous les ordres de services devant la loi sociale, et par suite :

Egalité absolue de tous les services et de tous les serviteurs en considération, en travail et en rétribution

Egalité, pondération ou équivalence de tous les services, dans leurs attributions, leur durée, et la fatigue qu’ils supposent, par une équitable répartition du travail à l’aide de suppléans etc., sous le contrôle et la révision incessante de la loi vivante

Rétribution égale ou équivalente, à tous les services ainsi déterminés et équilibrés

Crédit spécial, ouvert à chaque individu sur le grand livre de la richesse commune, ou signe monétaire des valeurs matérielles, comme moyen ou signe représentatif de la part de richesses échue à chacun dans la rétribution ainsi déterminée [...]

Salaire ou traitement minimum égal, affecté indistinctement à tous les services reconnus utiles à l’union

Dividende annuel entre tous les philadelphes, au prorata de leur travail effectué dans le cours de l’année, sur le bénéfice net total de la communauté

Retenue ou diminution proportionnelle, sur le salaire et le dividende de tout fonctionnaire, pour chaque infraction, négligence ou chômage volontaire dans son service, comme sanction morale de la conduite individuelle

Jugement des infractions au service, par un jury spécial permanent, dans chaque genre d’industrie ; [...]

Retraite pour chacun proportionnelle à ses œuvres, c'est-à-dire à sa moralité relative, c'est-à-dire à sa conduite dans le service durant sa vie active

Prélèvement annuel, sur le dividende ou bénéfice net de chaque individu, d’une fraction déterminée, uniforme pour tous, destinée à subvenir à la retraite du fonctionnaire dans sa vieillesse

(- de même pour subvenir à toutes les institutions et à toutes les dépenses de solidarité collective)

(prix et vente) [...]

Equilibre constant et certain de la production et de la consommation universelles, grâce aux données fournies au pouvoir central par l’expression officielle des besoins et des ressources de chaque circonscription et de chaque individu [...]

Distribution universelle des matières premières du travail collectif et des richesses consommables, entre les circonscriptions, les industries ou les travailleurs, d’après des règlemens généraux dictés par l’esprit d’égalité et d’économie, et en raison de la consommation moyenne, des exigences manifestées,[...]

 

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